​Le design fiction est une pratique de design spéculatif qui utilise la narration pour imaginer et matérialiser des futurs possibles — qu’il s’agisse d’objets, de services, d’infrastructures ou même de sociétés entières. ​Son approche consiste à relier les aspects techniques d’un prototype à ses implications sociales, culturelles, éthiques, politiques et économiques dans le monde imaginé. Autrement dit, il ne s’agit pas seulement de concevoir un objet, mais de réfléchir au contexte dans lequel il existerait — et à ce qu’il révélerait de nos choix et de nos valeurs actuelles. ​Le design fiction est souvent associé à une visée critique : il invite à questionner notre rapport à la technologie, nos usages, nos croyances et nos futurs collectifs.​

 

Un exemple emblématique est celui de l’interface gestuelle imaginée dans le film Minority Report : bien qu’entièrement fictive, cette interface a inspiré de véritables innovations technologiques, tout en soulevant des questions sur la surveillance et le libre arbitre.​​D’autres œuvres, comme la série Black Mirror, explorent également ces futurs potentiels — parfois désirables, souvent inquiétants — pour mieux interroger notre présent.​ Mais le design fiction ne se limite pas à la fiction audiovisuelle. Il est mobilisé dans la recherche, pour réfléchir aux enjeux éthiques des technologies émergentes, dans l’entreprise, pour spéculer sur l’avenir des produits et services, et même dans les politiques publiques, pour réunir citoyens et décideurs autour de visions partagées du futur.​ Ma recherche doctorale a notamment permis d’élargir ces usages en explorant le potentiel du design fiction dans le champ de l’éducation aux médias, afin de développer la pensée critique à travers l’imagination et la projection dans le futur.

 

​Concrètement, le design fiction fonctionne comme une méthode structurée en plusieurs étapes. Il part d’une problématique ancrée dans le présent, qu’on rend tangible à travers le prototypage d’un artefact fictionnel. Autour de cet artefact, on construit un monde cohérent et on raconte une histoire qui permet d’explorer les conséquences possibles de nos choix actuels. L’objectif final n’est pas de trouver une solution, mais bien d’ouvrir un espace de débat, d’expérimentation et de projection.​ Le design fiction, en somme, nous aide à penser autrement, à questionner le réel et à imaginer des futurs que nous pourrions — ou non — vouloir habiter.​